APP/Mauritanie/Ue : Y a-t-il anguille sous roche?
Le gouvernement mauritanien et l’Ue ont engagé à Bruxelles des consultations pour le renouvellement des accords de partenariat de pêche en vigueur jusqu’en 2012. Une date butoir après laquelle toutes les captures devraient être débarquées en Mauritanie. Mais déjà, on évoque -sous la poussée de la Commission Européenne- la parade de «mauritanisation» de chalutiers industriels espagnols (poulpe et crevettes) pour l’accès aux ressources halieutiques nationales.
Alors que les négociations ont pris une envergure intéressante pour la Mauritanie, l’absence à ces négociations de représentants de la société civile intéressée par le secteur des pêches et donc de la transparence qui devrait y prévaloir laisse sceptique sur les contours de telles négociations.
Pour l’heure, les échos qui nous parviennent de ces rencontres font état de la scission entre les fonds destinés au paiement de la contrepartie financière et ceux de l’aide au développement du secteur. Une satisfaction à une vieille doléance de la société civile en matière de gestion de fonds souvent affectés au fonctionnement plutôt qu’au développement du secteur.
Mieux encore, un compte d’affectation spéciale pour ces fonds dit de développement du secteur devrait être mis en place en conséquence.
S’agissant de l’éventualité de l'entrée de chalutiers espagnols battant pavillon mauritanien, la ruse indexée dans ce cas consiste pour les européens de proposer «un accord pour les thoniers et les petits pélagiques» moins cher et moins problématique, en dépit de la guerre que livre aujourd’hui la Commission à l’Islande, au sujet des quotas de maquereau, devenu la clé d’entré de ce pays à l’Ue.
Depuis 2006, la Mauritanie, pour sa part, et l’Union européenne avaient signé le plus important accord de partenariat de pêche (APP) pour l’Ue avec un pays tiers. Son dernier protocole (2008 – 2012) consacrait l'octroi d’une aide de 305 millions d’euros sur quatre ans au secteur de la pêche, en contrepartie d'un accès aux zones de pêche mauritaniennes. Par cet accord plusieurs centaines de navires venant de 12 pays européens étaient autorisés à pêcher en Mauritanie.
«Avec des captures de l’ordre de 800.000 tonnes par an, essentiellement destinées à l’exportation, le secteur contribue pour 20 à 25% au budget de l’Etat, principalement dans le cadre de la contrepartie financière liée à l’APP avec l’UE, et apporte 20% des recettes d’exportation du pays » alors que le secteur ne génère actuellement qu’un peu plus de 40.000 opportunités d’emplois contre 600 milles au Sénégal voisin.
Il est vrai, faut-il le reconnaître, que la décision des autorités mauritaniennes d’exiger le débarquement des produits capturés par les navires européens dans nos eaux territoriales est en soi, une avancée substantielle dans la satisfaction des exigences de l’opinion publique, en raison des pertes énormes en emplois et plus-value que l’ancienne politique des accords avait jusqu’ici imposé.
Cependant, et dans un plaidoyer pour une pêche responsable, l’Ong Cape (coalition pour des accords de pêche équitables) avait estimé que «pour répondre aux enjeux de développement durable exposés, le futur partenariat de pêche entre l’Union européenne et la Mauritanie devra se construire à partir d’un cadre de bonne gouvernance permettant une exploitation durable des ressources, conforme à l’esprit du Code de Conduite pour une Pêche Responsable de la FAO, auquel ont souscrit tant la Mauritanie que l’Union européenne
Les navires européens « mauritanisables»?
Depuis le début du premier accord de pêche quinquennal de 1996, les relations entre la Mauritanie et l’Ue étaient décriés sur ce plan. Les autorités mauritaniennes avaient toujours privilégié les recettes budgétaires tirés de cet accord et la partie européenne, malgré ses critiques de la présence de l’armement chinois, n’était pas regardante sur les aléas de tels accords déroulés en «Pêcher-Payer et ¨Partir».
Aucun sens de responsabilité partagée dans la gestion de la ressource n’existait réellement. Il fallait attendre 2002, avec la réforme de la Politique Commune des Pêches au sein même de l’Ue, pour voir de nouveaux concepts comme celui du partenariat exhortant au développement du secteur national de la pêche dans ses pays partenaires, voir le jour, en 2004, sous le vocable d’Accords de Partenariat dans le domaine de la Pêche (APP).
C’est donc cette philosophie qui soutend aujourd’hui les négociations entre la Mauritanie et l’Union Européenne. L’Ue a depuis signé 16 APP qui reconnaissent à la flotte européenne de pouvoir accéder «aux excédents de ressources que les partenaires de l’Union ne peuvent ou ne veulent utiliser» avec en toile de fonds un souci pour la durabilité de la ressource elle-même.
Or, en Mauritanie, la flotte industrielle de pêche vétuste, a toujours fait planer le piège de son renouvellement aux dépens de la pêche artisanale et côtière (PAC) dont la production autour de 80.000 tonnes par an reste «le seul armement national viable».
Parmi ses autres atouts, aussi, «le débarquement de toutes ses captures en Mauritanie, fournissant 80% des 100.000 tonnes de poisson et céphalopodes débarqués en Mauritanie; 80% du poisson traité par les usines d’exportation, et 90% de l'approvisionnement des 45 ateliers de traitement des produits de la pêche du pays.
La PAC couvre entièrement les besoins locaux pour la consommation des produits de la pêche ». La valeur ajoutée locale induite par la PAC est évaluée à 85% de la valeur ajoutée totale des captures, contre environ 50% pour la pêche industrielle nationale.
Pourtant, et en dépit de l’importance des débarquements exigibles en Mauritanie dès 2012, pour les navires européens, la hausse des capacités de transformation et de valeur ajouté (création de l’usine chinoise), sans oublier, le transfert éventuel de technologies, pousse à l’optimisme. Ce dernier ne devrait pas pour autant faire oublier que l’éventualité de cette « mauritanisation » des navires européens suscite déjà des doutes (quel cadre juridique, quelle contrepartie à l’accès à la ressource...).
En effet, l’exemple des navires chinois (MCP) est, dans cette optique, évocateur. La mise en place de société mixte (via le partenariat privé), même si elle pourrait faire bénéficier les navires nationalisés du régime fiscal local, elle n’assure, par contre, aucune garantie pour l’Etat mauritanien de l’immatriculation obligatoire des bateaux comme mauritaniens. Le statut juridique des navires est, on le sait, source de contentieux insolvables dans plusieurs affaires aujourd’hui.
Nous y reviendrons
Jedna DEIDA
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