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Lac de Kompienga : Fermeture de la pêche en queue de poisson

Depuis le 1er juillet 2011, la pêche est officiellement fermée sur le lac du barrage de Kompienga pour trois mois, soit « jusqu’au 30 septembre inclus ». Au grand désarroi de la communauté de pêcheurs qui dénonce un manque de communication autour de cette « décision unilatérale » qui ne leur a pas permis de se préparer à la fermeture. Pour eux, il faudrait donc surseoir à la mesure cette année et se concerter pour trouver d’autres solutions de conservation du lac. Pas question de la lever, répond de son côté l’autorité représentée par le Comité de gestion du périmètre halieutique d’intérêt économique de Kompienga, qui soutient que l’information est bel et bien passée. Un bras de fer, tendu, avec en toile de fond une situation nationale agitée comme on le sait depuis des mois, oppose ainsi les deux parties comme nous avons pu le constater au cours de notre séjour dans la localité, les 7 et 8 juillet 2011.

 

« Le gouverneur de la Région de l’Est, président du comité de gestion du périmètre halieutique d’intérêt économique de Kompienga, rappelle aux populations riveraines du lac de Kompienga et à tous les acteurs du secteur de la pêche (pêcheurs, transformateurs de poisson, commerçants de poisson, transporteurs) que les dispositions de l’arrêté N°2011/002/MATD/REST/GVRT-FGRM/CAB du 5 janvier 2011 portant suspension des activités halieutiques sur le lac du barrage de Kompienga restent en vigueur, conformément aux délibérations de la 5e assemblée générale tenue le 28 juillet 2010 à Fada N’Gourma. En conséquence, le lac de Kompienga est fermé à la pêche du 1er juillet 2011 au 30 septembre 2011 inclus.

 

Toutes les activités de pêche, de transformation de poisson, de commerce de poisson et de transport de poisson à partir du lac de Kompienga sont formellement interdites durant cette période. Tout contrevenant aux présentes dispositions sera sévèrement sanctionné, conformément aux textes en vigueur ». C’est par ce communiqué signé de l’ancien gouverneur de la région de l’Est, Kilimité Théodore Hien, qu’est signifiée la fermeture de la pêche sur le lac de Kompienga. Et ce, pour trois mois. Depuis l’entrée en vigueur de cette mesure, le 1er juillet 2011, un bras de fer oppose la communauté des pêcheurs et les autorités locales.

 

La raison : les pêcheurs, pour qui cette décision a été prise sans qu’on les ait consultés, demandent qu’elle soit levée, comme nous l’explique Noël Zongo, le président de l’Union des groupements de pêcheurs de Kompienbiga [NDLR : notre point de chute en cet après-midi du jeudi 7 juillet a été cette localité riveraine du lac et située à une quinzaine de km de Pama, chef-lieu de la province de la Kompienga] : « L’année passée, une fermeture de 45 jours du lac a été décidée de façon consensuelle afin de permettre à la population de se régénérer. Ce fut dur de tenir pendant les 45 jours, mais nous avons tenu bon et nous avons nous-mêmes participé aux contrôles pour le respect de la mesure. Cependant, à la réouverture, on a constaté qu’absolument rien n’avait changé au niveau des poissons.

 

Et il a fallu plusieurs jours à certains avant d’avoir des prises. C’est pourquoi nous avons demandé la tenue d’une rencontre-bilan de la fermeture avec le comité de gestion et les techniciens afin de trouver ensemble une meilleure solution à la conservation du plan d’eau. C’est nous qui sommes dans l’eau, nous savons donc ce qu’il y a de mieux à faire. Ainsi, nous avons proposé par exemple de réglementer la taille des mailles des filets de pêche utilisés de façon que les mailles ne retiennent que les gros poissons et laissent filer les petits pour qu’ils puissent se reproduire. Nos propositions ont été soumises aux autorités, dont le haut-commissaire, qui a promis à l’époque d’en référer à ses supérieurs et de nous communiquer leur réponse. Nous avons attendu en vain.

 

Nous avons alors écrit successivement 3 lettres pour demander la suite de nos propositions. En vain. Le 30 mai dernier, nous avons même organisé une marche de Kompienbiga à Pama (soit une quinzaine de km) pour qu’on nous donne une réponse. En vain ». C’est dans l’attente de la réponse à leur proposition et d’une rencontre de concertation que des copies du communiqué de fermeture du lac auraient été remises à certains de leurs responsables, notamment le chef du village, deux de ses conseillers et le président du Conseil villageois de développement (CVD). La nouvelle est tombée comme la foudre sur eux, racontent les pêcheurs, pour qui on ne les a pas écoutés avant de décider, ni ne leur a laissé le temps de se préparer pour tenir pendant les 3 mois ; pourtant leur vie est étroitement liée au barrage.

 

« Ils auraient quand même pu nous en informer à l’avance comme l’an dernier. Bien que nous en ayons été informés l’année passée, nous avons eu des problèmes pour payer la scolarité de nos enfants et même les nourrir et les soigner. Cette fermeture subite et plus longue, c’est notre mort programmée. C’est la force qu’ils veulent simplement nous faire, alors, ils n’ont qu’à venir nous tuer et ils auront la paix », s’emporte l’une des femmes de la communauté, Adjara Tapsoba. « On n’est pas d’accord ! renchérit le président du Conseil de l’Union des pêcheurs, Madi Compaoré. Mais nous n’avons pas la force de nous opposer à eux ; alors nous demandons qu’une rencontre soit organisée pour trouver une solution pour le bien-être de tous. Ils disent que c’est avant tout pour nous qu’ils le font mais pourquoi prendre une mesure qui nous fait souffrir ? »

 

Ce sont les autorités elles-mêmes qui ont créé les problèmes, estime le président de l’Union des jeunes commerçants de poisson frais, Salfo Sankara : « Il était question d’essayer de régler le problème l’an passé et il n’y a pas eu d’amélioration. Avant la fermeture, on pouvait avoir 10 véhicules chaque mois pour transporter le poisson du lac ; depuis la réouverture, on n’a pas pu remplir plus de 4 véhicules. C’est pourquoi nous voulons passer maintenant à d’autres solutions, mais ils ne nous écoutent pas ».

 

« Nous pas bouger ! »

 

Au niveau du carrefour de Kompienbiga au bord du tronçon Fada-Pama, sont installées des femmes qui font frire le poisson pour la vente. Là aussi c’est la galère, à en croire Sala Guigma, car elles n’ont pas d’autre activité génératrice de revenus que la friture. De près de 100 kg de poisson écoulés par jour avant la fermeture, il serait maintenant difficile d’en vendre 10. Aussi Mme Guigma craint-elle de se retrouver dans la même souffrance que lors de la précédente fermeture du lac, où elles ont été parfois obligées de soigner traditionnellement leurs enfants, faute d’argent.

 

Rapidement informés de la présence d’une équipe de journalistes, les pêcheurs viennent nombreux à notre rencontre, voyant en nous des porte-parole pour répercuter leur peine auprès des plus hautes autorités : « Nous sommes persuadés que les rapports qui parviennent au ministre de l’Agriculture et des Ressources halieutiques sont erronés, voire falsifiés, et ne contiennent pas nos propositions, sinon il ne maintiendrait pas une telle mesure qui ne profite à personne ».

 

Dans ce bras de fer, on s’en est même pris à des agents des Eaux et forêts, le 3 juillet dernier. « Nous revenions d’une sortie que nous avions faite pour aller voir un éléphant embourbé ce jour-là, raconte le directeur provincial des Eaux et forêts, Mory Traoré, rencontré le jeudi 7 juillet dernier à Pama. Nous avions fait escale pour échanger avec des agents chargés de la surveillance quand une foule armée de gourdins et de machettes est arrivée à notre niveau. En 25 ans de service, c’est la première fois que je vois cela. Imaginez un peu si cela avait dégénéré avec les agents armés ».

 

Foi de Mory Traoré, les pêcheurs doivent savoir raison garder et ne pas se laisser manipuler, car la situation conflictuelle pourrait aboutir à une fermeture prolongée du barrage pour une réorganisation de la filière. « L’éléphant était-il embourbé dans l’une de nos cases ? », répondent à leur tour les personnes incriminées qui, elles, racontent que tout serait parti ce jour-là du fait qu’un agent est entré dans la case d’une femme du village pour la fouiller. Le chef du village de Kompienbiga, Sa Majesté Yemiama, a été également pris à partie. Venus lui signifier leur volonté de continuer à pêcher malgré l’arrêté, les pêcheurs l’auraient accusé de s’être laissé corrompre par les autorités, nous explique le chef qui, visiblement, garde de mauvais souvenirs de cette visite.

 

Lui, ses conseillers et le président CVD auraient en effet été accusés d’avoir reçu 6 millions de FCFA pour accepter la fermeture du barrage : « Pourtant, nous avons simplement été convoqués par le haut-commissaire à Pama où il nous a remis des copies de l’arrêté pour qu’on en informe la population ». Le responsable coutumier ne manque pas, à cet effet, d’appeler les pêcheurs à arrêter leur activité en attendant de trouver une solution avec les autorités. Le chargé du service technique du Périmètre aquacole d’intérêt économique (PAIE), et secrétaire général du comité de gestion, Yacouba Ouédraogo, également accusé, aurait reçu des menaces de mort, l’obligeant à quitter la localité. Joint au téléphone, ce dernier n’a pas souhaité répondre à nos questions, nous renvoyant à sa hiérarchie.

 

« C’est une mesure de conservation »


La version de l’Administration nous est finalement servie par le haut-commissaire de la province de la Kompienga, Maxime Bouda, qui nous a reçu le vendredi 8 juillet 2011 dans son bureau en compagnie du député de la localité, Jean Paul Sangli, et d’une « vieille connaissance », le directeur provincial des Eaux et Forêts, Mory Traoré, déjà rencontré la veille. D’entrée de jeu, M. Bouda nous explique que la décision de fermer momentanément le lac vient du constat d’une baisse de la production depuis un certain temps et vise la protection et la conservation des ressources halieutiques : « De 1995 à 2000, on pouvait aisément avoir 10 à 15 tonnes de poisson par campement, aujourd’hui on atteint à peine 40 à 50 kg. Des concertations ont alors été menées avec les différents acteurs pour voir ce qui pouvait être fait pour sauver le barrage.

 

Un comité de gestion d’une quarantaine de membres a été mis en place en 2005. On est tous tombés d’accord à l’époque sur une suspension des activités halieutiques une fois par semaine, soit tous les mardis. Cette fermeture hebdomadaire a été respectée sans problème. De négociations en tractations, on a convenu d’aller à une période assez conséquente pour des résultats plus concrets. C’est ainsi que l’an passé, la fermeture s’est faite sur une période de 45 jours. La dernière assemblée générale du comité de gestion, le 28 juillet 2010, a fait le bilan de la fermeture et a constaté que du point de vue même du poids et de la valeur nutritionnelle des poissons, notamment les carpes et capitaines qui étaient maintenant pêchés, la qualité s’était améliorée. L’AG a donc décidé qu’on aille à trois mois sans problème. Et on s’est séparé ce jour-là en bons amis ».

 

Cette fermeture n’est donc qu’une mesure de conservation du lac selon le haut-commissaire pour qui, à dire vrai, c’est à partir de la période avril-mai, à la faveur de la situation nationale qu’une remise en cause générale de tous les acquis s’est fait sentir. « Pourquoi ils n’ont pas remis ça en cause immédiatement après l’AG, mais ont attendu qu’il y ait des remous au plan national pour dire NON ? Ils sont venus avec des écrits et ont même fait une marche de Kompienbiga à Pama. C’est ainsi que je me suis moi-même déplacé au village de Kompienbiga avec tous les chefs de service concernés et nous avons eu un débat très ouvert avec la communauté. Il se trouve cependant que leur revendication, c’est purement et simplement que la mesure soit levée.

 

Nous avons enregistré leurs doléances et les avons transmises à qui de droit. Et il est ressorti qu’il fallait maintenir la mesure de protection qui vise une exploitation durable des ressources halieutiques. La mesure adoptée en AG n’a donc pas été revue et la fermeture a été décidée pour compter du 1er juillet ».

 

Et d’assurer que le processus de prise de décision a été participatif, la communauté de pêcheurs ayant des représentants au sein du comité de gestion. Les pêcheurs se plaignent pourtant de n’avoir pas été informés à temps. Réponse du haut-commissaire : « L’AG ne peut pas se tenir sans les représentants des pêcheurs. Et c’est depuis 2010 que la fermeture a été décidée du 1er juillet au 30 septembre en présence des représentants des pêcheurs. Ils ont reçu l’arrêté dès le mois de mars de cette année. Des communiqués radio sont également diffusés. Que fallait-il faire de plus ? » M. Bouda, qui se dit prêt à tenir une rencontre-bilan avec les croquants et les techniciens, souligne qu’il était prévu ces jours-ci une AG qui a dû être reportée car coïncidant avec le changement de gouverneur à la tête de la région de l’Est : « Le dialogue, c’est notre leitmotiv.

 

Tout ce qui sera dégagé comme bénéfice dans cette fermeture temporaire, c’est pour la population. Tant que c’est pour dialoguer et faire des propositions, nous sommes partants. Mais il n’est pas question de s’asseoir pour remettre en cause pour cette année la fermeture ». « Si la mesure était à l’encontre des populations, nous aurions été les premiers, en tant qu’élu, à la contester, affirme le député Jean Paul Sangli. "Il faut savoir qu’au temps du colon, la pêche se fermait trois mois. C’est après les indépendances que cette mesure a été levée, mais, avec le temps, il a fallu y revenir pour sauvegarder notre patrimoine. C’est une décision juste et légale ».

 

En ce qui concerne la proposition de la communauté qui est d’utiliser les filets à grandes mailles en lieu et place d’une fermeture, ce serait une mesure déjà appliquée dans le cadre des règles de gestion du PAIE, selon le directeur provincial des Eaux et Forêts : « Ce sont les mailles de 40 mm de diamètre qui sont tolérées. Les pêcheurs utilisent pourtant des mailles de 1 à 2 cm et même parfois des moustiquaires pour ramasser les sardines. Les alevins regroupés dans des zones de reproduction sont nuitamment pêchés, mis en stock et envoyés au Togo et au Bénin ». Ce sont ces pratiques qui sous-tendraient la nécessité de protéger le lac. « Au bas mot, il y a quotidiennement un millier de pêcheurs sur le lac de jour comme de nuit.

 

Sans être un technicien piscicole, l’on convient que le poisson a besoin d’un temps de repos pour se reproduire. De plus, les statistiques suivies par le PAIE sont parlantes et montrent une nette amélioration. Il faut savoir que Bagré également est fermé pour 45 jours cette année pour le même objectif d’exploitation durable de nos ressources. C’est donc une mesure gouvernementale qui est traduite en actes ». Selon le haut-commissaire, l’Etat entend prendre ses responsabilités : « Nous restons sur le principe des concertations ; le lac est un bien commun et c’est ensemble dans le dialogue que nous allons œuvrer à le protéger, mais force doit rester à la loi. Il y a des mesures normales de surveillance et c’est pour ça, comme chaque année, que nous avons demandé des effectifs supplémentaires [NDLR : un nombre important d’éléments de la Gendarmerie et de l’Armée étaient effectivement visibles dans la ville de Pama le vendredi matin] pour permettre que la mesure soit respectée.

 

Nous avons prévu des mesures d’accompagnement pour ceux qui désirent se reconvertir pendant la suspension. Notre province bénéficie de conditions très favorables à l’agriculture ; alors nous avons prévu d’appuyer tous ceux qui le veulent en terres cultivables et en semences améliorées ».

 

La nouvelle de notre présence s’est répandue comme une traînée de poudre sur les berges du barrage, si bien qu’à notre retour de Pama aux environs de 11h, un grand rassemblement a été improvisé sur la place du campement de Souglimani. L’occasion est belle pour se faire entendre. Nous voici donc finalement au milieu d’une foule de centaines de personnes « venues, rien que pour nous parler ». Impossible de donner la parole à tout le monde. Le privilège reviendra à quelques représentants. Tour à tour, une vingtaine de missi dominici des groupements Boa-yaaba, Souglimani, Wend Panga, Nabons-Wendé, Boama, Nong-taaba, Koulsoumdé, Nabangou ; de l’Union des femmes transformatrices, des friteuses du carrefour de Kompienbiga, de la Jeunesse, de l’Union des pêcheurs, de Kompienga-ville, du CVD, de l’Union des groupements des pêcheurs et des mareyeurs nous égrènent le chapelet des problèmes engendrés par la fermeture du barrage.

 

Dénonçant une mauvaise gestion de la précédente fermeture, notamment au niveau des frais de gestion, les pêcheurs lancent un appel au président du Faso afin qu’une solution soit trouvée à leur problème. Morceaux choisis : « Nous ne voulons pas la bagarre, nous voulons juste être écoutés » ; « On a fermé une première fois, rien n’a changé ; alors pourquoi refermer une nouvelle fois ? » ; « Ventre creux n’a point d’oreille » ; « On n’a pas la force de faire un bras de fer avec les forces de l’ordre, alors le renfort et les fusils qu’ils ont amenés, qu’ils aillent les utiliser contre les braqueurs de route et nous laissent chercher à manger en paix » ; « Les autorités nous empêchent de pêcher, les éléphants détruisent nos récoltes, que veut-on qu’on devienne à la fin ? » ; « L’année passée, nous avons mangé du babenda (sauce traditionnelle à base de feuilles, à l’origine consommée en temps de disette) pour survivre, mais cette année, ça ne va même pas suffire » ; « On n’est pas d’accord avec une nouvelle fermeture qui serait synonyme de mort pour nous ».

 

On se laisse aller même aux anecdotes. Ainsi, lors de la réouverture de la pêche, l’année passée, ce serait du poisson congelé qui a été entremêlé dans les filets tirés par le ministre lors de la cérémonie officielle. Vice-président du Comité de gestion, Philippe Kaboré, pêcheur lui aussi, en profite pour parler de leur présence dans le Comité de gestion : « Les gens m’ont choisi pour les représenter mais on ne m’écoute pas. Toutes les propositions que nous avons faites n’ont pas été prises en compte. La fermeture de l’an passé, tout le monde en a été informé et a pris ses dispositions ; mais cette année, c’est pendant qu’on s’attendait à une rencontre pour faire le bilan que l’arrêté est tombé ». Vraisemblablement, le refus de la suspension de 3 mois fait l’unanimité.

 

Drôle de contrôles


Quelque peu soulagés d’avoir pu s’exprimer, hommes et femmes rejoignent leur domicile avec leur progéniture après près d’une heure et demie de défoulement. Le village retrouve son calme. Pas pour longtemps car une demi-heure plus tard, de l’agitation se fait sentir dans les concessions. « Ils arrivent ! », « Ils sont là ! » entend-on par-ci, par-là pendant que les gens courent dans tous les sens. Des hommes en tenue seraient en fait aux portes du village, procédant à des contrôles. Bientôt, des véhicules 4*4 transportant des équipes mixtes d’agents des Eaux et Forêts, de militaires et de gendarmes pénètrent dans les campements. Sans ménagement, la fouille des maisons commence. Certaines maisons sont mises sens dessus dessous à la recherche de poisson, de filets ou d’autres matériels liés à la pêche avec force brutalité et injures. Bassines, plats et marmites sont embarqués en même temps que le poisson pendant que les filets sont tous simplement brûlés sur place.

 

Des volutes de fumée s’élèvent un peu partout. L’odeur des filets brûlés plombe l’air. « Avec quoi voulez-vous que je pêche à la réouverture ? » demande, la voix nouée par la colère, un homme dont les filets ont été sortis de la maison, arrosés d’essence et enflammés par les « contrôleurs ». Manu militari, des hommes sont embarqués à l’arrière des véhicules. Des femmes demandent qu’on les amène en même temps que leurs maris, pendant que les enfants pleurent de voir leurs pères malmenés. La tension monte et les esprits s’échauffent. Les discussions sont tendues au sein des pêcheurs. D’un côté, ceux qui veulent riposter vaille que vaille ou se faire également embarquer : « Réagissons.

 

Allons nous coucher sur la voie. Ils n’ont qu’à nous tuer une bonne fois, ou bien nous arrêter tous ». De l’autre, ceux-là qui appellent au calme et à la retenue : « C’est de la provocation. Ils veulent seulement qu’on riposte et ils vont dire qu’on les a empêchés de faire leurs contrôles. » Les seconds semblent prendre le dessus car aucun mouvement de riposte n’est noté. C’est un village de Kompienbiga aux allures de localité assiégée avec de la fumée s’élevant d’un peu partout et des hommes de tenue allant et venant que nous quittons aux environs de 14 h. Le spectacle est à fendre le cœur. Aux dernières nouvelles, un dizaine de personnes auraient été arrêtées à l’issue de l’opération de contrôle. Détenues dans un premier temps à Pama, elles auraient été transférées à Fada N’Gourma.

 

Hyacinthe Sanou (hyacinthe2000@hotmail.com)

L'Observateur Paalga (Burkina Faso)

 

 

 

 

 

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Barrage de Kompienga : 25 ans déjà

Cela fait déjà 25 ans que le barrage hydroélectrique de Kompienga a été aménagé avec un réservoir d’une capacité d’environ 2 000 000 m3. A cheval entre la région de l’Est et celle du Centre-Est, il demeure le plus grand lac artificiel du pays. Le lac compte aujourd’hui 13 campements de pêche.

 

Du poisson « chinois » dans les assiettes ouagalaises

Notre passage sur les bords du lac de Kompienga a été également l’occasion pour nous de nous intéresser à la filière poisson au Burkina, notamment aux lieux d’approvisionnement. Il ressort de nos échanges avec les mareyeurs (commerçants de poisson) que leurs principaux points d’approvisionnement en carpes et capitaines, peuplements plus demandés, sont : Kompienga, Bagré, Arly, Sourou, Yako et Ziga. A les en croire, la production nationale pourrait suffir à la consommation des Burkinabè car par exemple ce sont 6 tonnes de poissons qui sortent par jour du Sourou. C’est l’organisation drastique et les multiples taxes qui feraient que le poisson burkinabè revient cher sur le marché. Pour 2 tonnes de poisson, par exemple, il faut payer 150 000 FCFA de frais, sans compter l’essence et la glace pour le transport.

Conséquence, le poisson actuellement répandu dans les poissonneries, maquis et autres points de vente de la capitale et qui serait reconnaissable à ses nombreuses taches noires serait en fait importé de la Chine. Moins cher mais moins savoureux, ce poisson importé laisserait cependant à désirer en termes de qualité selon les « mareyeurs » : en effet, pendant que le poisson burkinabè ne connaîtrait pas une conservation de plus d’une semaine sous le contrôle des services d’hygiène, le poisson « chinois », lui, aurait été conditionné depuis près de 3 mois, comme c’est écrit sur l’emballage.

 

L’Observateur Paalga (Burkina Faso)



 



14/07/2011
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