Rejoprao-Mauritanie! Pour une pêche durable

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Mauritanie- Le Programme du Gouvernement 2010 : Une reconsidération de la politique...du secteur des pêches ?

 

Depuis que le Gouvernement a décidé de le développer, le secteur des pêches a connu plusieurs stratégies ayant chaque fois des objectifs correspondant aux priorités des politiques de l'Etat. En 1979 par exemple, la constitution d'une flotte nationale et le développement des industries à terre ont constitué des priorités.
A partir de 1987, les infrastructures de débarquement, la recherche, la surveillance et la formation ont été considérés comme étant des outils dont dépend –et dépendra toujours- la gestion durable des ressources halieutiques et la maximisation des gains qui peuvent en être tirés.
Quant à la priorité souvent accordée (affichée) à la pêche artisanale dans la quasi-totalité des stratégies sectorielles, elle n'a jamais pu se traduire dans une politique de développement cohérente et moins encore par des réalisations concrètes en rapport avec les vrais potentialités de ce sous secteur pour le développement socioéconomique du pays.

Au début des années 90 et suite à des signes révélateurs d'une surexploitation pour certaines espèces de fond, plusieurs mesures techniques d'aménagement ont été appliquées et la nécessité de mise en place de plans d'aménagement fut préconisée ; dans la stratégie sectorielle de 1998 cette préoccupation a été inscrite puis reprise dans ses différentes versions actualisées, mises en œuvre jusqu'en 2007.
Ces stratégies ont également accordé une place de choix à la mise aux normes internationales des établissements et produits de pêche afin d'améliorer leur compétitivité par la garantie de la qualité et de la santé du consommateur et de faciliter, en conséquence, la distribution des produits et l'entrée des exportations dans les marchés mondiaux, notamment européens.
La stratégie actuelle de gestion durable du secteur des pêches et de l'aquaculture (2008-2012) a reconnu l'état de dégradations des principales espèces ciblées, la faiblesses des incidences socio-écomiques de la pêche et le fait que la seule possibilité d'augmenter la production reste l'exploitation de certains petits pélagiques et mollusques bivalves (praires), et le développement de l'aquaculture et la pêche continentale. Ainsi, l'alternative d'un développement horizontal s'est imposée comme axe majeur de cette stratégie adoptée pour l'horizon 2012.
Il s'est agi notamment de s'orienter fermement vers la construction d'infrastructures suffisantes, la promotion de l'industrie de transformation et de sa compétitivité et enfin, la création de modules de formation professionnelle répondant à ces nouvelles orientations (formation d'une main d'œuvre qualifiée pour la pêche artisanale et côtière, de techniciens en transformation, en qualité et en contrôle sanitaire, etc.).
Etant donné que la rentabilité économique dépend de la durabilité de la ressource et que les principaux stocks, quoique renouvelables, sont soit pleinement exploités, soit surexploités, la réduction de l'effort de pêche est devenue impérative afin de parvenir à une adéquation entre cet effort déployé et les potentiels permissibles, définis par la recherche scientifique.
Cet objectif d'ajustement des capacités de pêche aux possibilités de pêche (TAC), doit tenir compte à la fois de la perspective du renouvellement de la flotte et de la nécessité de définir un bateau-type en terme de rentabilité et d'impact sur l'environnement, et d'éviter, au bout, la concentration de l'effort entre les mains d'un groupe restreint d'opérateurs pour des raisons économiques et/ou politiques.
Malgré cette situation, la Déclaration de Politique Générale présentée la semaine dernière par le Premier Ministre devant le Parlement, semble préconiser, en matière de pêches et d'Economie Maritime, une reconsidération de la stratégie sectorielle mise en œuvre depuis 2008 et ce pour tenir compte prochainement de la vision qu'a le Président de la République de ce secteur. En d'autres termes, une nouvelle stratégie doit être conçue pour réviser et chiffrer tous les objectifs et contraindre ainsi les gestionnaires dudit secteur à une programmation réaliste et à une obligation des résultats.
Une telle stratégie va concerner tous les maillons de la chaîne de distribution, de la capture à la vente au consommateur en passant par le débarquement, le transport, la transformation et la distribution, notamment au niveau national. Elle doit également tenir compte de l'intérêt des particuliers, des organisations socioprofessionnelles, des communautés côtières et des investisseurs nationaux et étrangers.
Enfin, la nouvelle stratégie à mettre en place doit garantir une gestion durable des ressources halieutiques et la préservation des écosystèmes marins dont ils font partie intégrante.
Dans la pratique, ce Programme du Gouvernement invite le Département des pêches à réserver prioritairement la pêche artisanale et côtière aux mauritaniens, à assurer progressivement, et de manière effective, le débarquement des captures et leur transformation sur place, et à entamer une véritable mauritanisation des emplois, fondée sur la formation du déficit et la fixation d'un taux à réaliser par an et par catégorie de postes, et d'une date limite pour arriver à l'objectif final pour chaque segment et filière de pêche.
Elle rappelle à ce sujet que les ports, les débarcadères, les industries de transformation et les infrastructures d'accueil des produits de pêche, sont les seuls garants d'une plus grande domestication des captures effectuées dans la Zone Economique Exclusive Mauritanienne, d'une meilleure valorisation des ressources et des produits, et de la distribution de poisson à l'intérieur du pays pour l'encouragement de sa consommation par les populations.
En ce qui concerne particulièrement la politique de la valorisation des ressources et produits halieutiques, elle restera incomplète tant qu'elle n'aura pas intégré la lutte conte la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) qui constitue, en plus d'un désastre écologique, un grand problème économique (sous-déclaration). Au niveau socioéconomique, la stratégie future dont on parle, doit fixer des objectifs chiffrés pour tous ses axes thématiques surtout en termes de contribution aux recettes budgétaires de l'Etat, au PIB et à l'emploi.
Sur le plan institutionnel et réglementaire, le besoin d'une gestion de proximité des outils de production et des autres activités de pêche, devra aussi imposer le déploiement de l'Administration sur le terrain depuis Nouadhibou jusqu'à N'Diago. Dans une première phase, ceci aura signifié la déconcentration des services de l'Administration centrale et des établissements sous tutelle au niveau des ports et des points de débarquement existants et, à l'avenir, au niveau des infrastructures dont la réalisation est programmée.
En même temps, on devra revoir, dans l'optique d'une révision globale du cadre institutionnel et réglementaire, le statut et l'organisation de la plupart des établissements et organismes sous tutelle, y compris les sociétés à capitaux publics. Quant aux objectifs du Gouvernement relatifs à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté, ils exigent du Département des pêches le développement de l'aquaculture et de la pêche continentale.
Alors, il doit procéder à mettre en œuvre un ensemble de mesures d'encouragement telles que l'application d'un cadre juridique et réglementaire approprié, le choix des poissons d'eau douce, des mollusques et des crustacés qui se prêtent à la culture, l'organisation de campagnes de sensibilisation, la formation de techniciens et le soutien financier. Dans ces conditions, les deux filières arriveront certainement à réduire, voire compenser, les déficits d'approvisionnement en produits de pêche maritime, à créer des emplois et à améliorer la qualité nutritionnelle des populations, notamment celles riveraines des plans d'eaux valorisés.
S'agissant de l'approche du Premier Ministre qui prône une généralisation du chiffrage des objectifs et privilégie le débarquement, la transformation, l'indépendance du pays vis-à-vis des employés étrangers et l'investissement dans le secteur, elle annonce la rupture avec le caractère rentier du secteur et la fin de l'ère de la confusion où prospèrent généralement les prédateurs, les médiocres et les prévaricateurs.
En somme, pour le Premier Ministre, « la nationalisation progressive des activités du secteur des pêches et l'augmentation de sa valeur ajoutée», constituent des objectifs hautement stratégiques dont la réalisation garantira une intégration effective de ce secteur à l'économie nationale. Enfin, c'est en vous, Responsables du Ministères des Pêches, que réside l'Espoir de relever les innombrables défis, cités explicitement dans la Déclaration de Politique Générale du Gouvernement pour 2010 ou auxquels celle-ci a fait allusion d'une manière moins évidente.


Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb

Cette tribune est diffusée avec l'aimable autorisation de l'auteur 



11/01/2010
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