Rejoprao-Mauritanie! Pour une pêche durable

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Sénégal-L’Europe nous ôte le poisson de la bouche

Même si les accords de pêche entre l’Union européenne et le Sénégal sont pour l’instant au point mort, de nombreux chalutiers européens viennent pêcher dans les eaux sénégalaises, jetant dans la pauvreté un nombre considérable de jeunes.

 

L’arachide, la pêche, les phosphates et le tourisme sont les piliers de l’économie sénégalaise. Avec les règles internationales du commerce et les effets conjugués de la sécheresse, la filière arachide est entrée en crise, poussant les populations rurales, qui comptent pour 70% de la population, à une reconversion vers la pêche. Ce rush des producteurs du bassin arachidier vers la pêche artisanale a conduit à l’augmentation de la flotte motorisée qui est passée à environ 15.000 pirogues, chacune pouvant embarquer jusqu’à trente jeunes pêcheurs.

 

Une pêche infernale

Et c’est, dans les années 80, au moment où ces paysans espéraient trouver un second souffle grâce à la mer que les Accords de pêche Union européenne – Sénégal sont venus tout compliquer [1]. « En permettant à l’Europe de prendre nos espèces pélagiques côtières, les accords nous ôtent le pain à la bouche », explique El Hadj Niang, secrétaire du comité des pêcheurs de Hann, à la périphérie de Dakar. Il prend pour exemple le yaboye [2], la seule espèce qui, d’après les pêcheurs, subsistait dans les eaux territoriales sénégalaises et que vingt-deux chalutiers européens viennent pêcher. Le secrétaire général du comité de Kayar, Abdoulaye Diop, précise : « On ne pêche plus que 15 ou 20% de ce qu’on prenait avant. Il y a dix ans une pirogue sortait deux à trois heures et ramenait entre 60 et 200 poissons. Maintenant, en partant toute une nuit, il lui arrive d’en ramener moins de dix ». « Hier, je suis sorti toute la nuit, confirme Arona Diagne, président du Centre national des pêcheurs sénégalais (CNPS). J’ai vendu mes prises à 7.500 FCFA, alors que j’en ai eu pour 43.000 FCFA d’essence »3. Si chaque pirogue qui va en mer subit de telles pertes, on imagine le choc pour des familles de 7 à 12 personnes qui en dépendent.

On ne pêche plus que 15 ou 20% de ce qu’on prenait avant

La pêche est devenue un enfer. Les pêcheurs sénégalais sont désormais obligés d’aller dans les eaux des pays voisins comme la Guinée Bissau et la Mauritanie, où les licences de pêche exigées reviennent à 500.000 FCFA. La menace sur la souveraineté alimentaire du Sénégal s’est, elle, accrue puisque c’est la pêche qui procure plus de 75% de ses protéines animales.

 

Barcelone ou la mort !

N’y a-t-il pas une contradiction à céder son poisson à l’Union européenne par des accords de pêche pour devoir ensuite négocier avec ses voisins le droit de s’approvisionner chez eux ? La crise du secteur agricole a débouché sur d’importants mouvements d’exode rural. Les jeunes chassés du bassin arachidier par les règlesdu commerce international ont tenté de trouver refuge sur les côtes. Ils ont alors été piégés par des accords de pêche appliqués sur fond de négociations des Accord de partenariat économique (APE) et ont été contraints à un « suicide collectif ». C’est en quelque sorte un crime contre l’humanité, dont sont responsables les dirigeants du Nord et du Sud.

Les jeunes se résignent maintenant à emprunter la route des Iles Canaries sous le cri de ralliement « Barcelone ou la Mort ! ». Les 15.000 pirogues qui ne peuvent trouver de poissons se transforment en autant d’embarcations de fortune qui, potentiellement, peuvent emmener chacune une centaine de candidats à l’émigration, vers l’Espagne pour trouver du travail. C’est là un triste exemple des conséquences du pillage des ressources naturelles qui a commencé sur les terres continentales et qui nous a ôté le poisson de la bouche.

Source Centre national de coopération au développement

http://www.cncd.be/spip.php?article1143



14/12/2010
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