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RARETÉ DU POISSON A JOAL-FADIOUTH : Les pêcheurs au creux de la vague

Le quai de débarquement de Joal-Fadiouth ressemble fort bien à un chantier naval. On y dénombre 7.000 pirogues alors de que l’activité traverse une zone d’incertitude avec la rareté des ressources halieutiques. Les recettes des pêcheurs ont chuté depuis une bonne dizaine d’années.

Les ouvriers embarquent des caisses de poisson dans les camions frigorifiques. Ils jettent les caisses avant de repartir en courant pour amener d’autres caisses. Trois vieux routiers de mer se prélassent sous le hangar. Sur le rivage, les femmes, les jeunes filles se précipitent sur les pirogues qui n’ont pas fini de regagner le rivage. Sur une petite pirogue peinte jaune et bleue, deux caisses sont remplies. Deux garçons mouillés débarquent. Ils sont visiblement abattus. L’énergie déployée durant une demi-journée n’est pas compensée. « Mon frère, nous n’avons rien à faire. Pour vous dire la vérité, la pêche ne nourrit plus son homme. Il n’y a plus de poisson », confesse ce jeune pêcheur assailli par les vendeuses. Sur les deux flancs du hangar, s’étendent sur plusieurs kilomètres, des pirogues sur la terre ferme. D’autres tangues sous l’effet de la brise qui balaie Joal à partir de 18 heures. On y dénombre plus de 7000 pirogues. Un vrai chantier naval. C’est le plus grand quai de débarquement de poissons en Afrique de l’Ouest. L’activité est dans le creux de la vague depuis quelques années. Au Sud du hangar du port, des cocotiers centenaires narguent le temps. Sur l’ancien quai, Souleymane Thiam a le regard suspendu sur les mouvements ondulatoires des vaques. Sa grande pirogue est amarrée depuis la Tabaski. Ce vieux sérère, qui a sillonné la mer depuis plus de trente ans, jette la pierre sur ses enfants qui ont pris le relais. « La mer est devenue pauvre, très pauvre. Auparavant, nous mettions peu de temps pour remplir la pirogue. Aujourd’hui, mes enfants passent des semaines sans pouvoir compenser les dépenses engagées pour l’opération. Les pêcheurs sont obligés d’aller vers d’autres pays de la sous-région. Les temps ont changé », se souvient Souleymane Thiam.

Beaucoup d’eaux ont coulé sous les ponts. Derrière les pirogues de M. Thiam, se trouve une cabane bordée par les anciens filets de pêche. Les guerriers de la mer se reposent. Ils n’ont pas dit leur dernier mot. Ils ont vécu l’âge d’or de la pêche à Joal-Fadiouth. Enveloppé dans un grand boubou à rayures marrons, Aliou Mané a blanchit sous le harnais. Il ne veut pas parler du présent de la pêche à Joal. Ce pêcheur originaire de la Casamance nous plonge dans le passé.

« Jadis, on se glorifiait d’être pêcheur à Joal-Fadiouth. L’activité rapportait beaucoup d’argent. Les eaux étaient très poissonneuses. Tous les pêcheurs du Sénégal venaient passer la moitié de l’année à Joal avant de repartir avec beaucoup d’argent. Il y avait beaucoup de poissons nobles. De nos jours, nous sommes obligés d’aller très loin sans être sûrs de trouver du poisson », se désole Aliou Mané. Loin du rivage, entre les habitats bordés de palissages, les pêcheurs dorment. D’autres boivent du thé. Personne ne prend le risque de contracter des dettes en comptant sur la mer pour les rembourser. Ibrahima Samb, le trésorier des jeunes pêcheurs de Joal vient d’échapper à une convocation à la gendarmerie de Joal-Fadiouth pour défaut de remboursement d’un prêt d’une valeur de 500.000 francs Cfa. « Vers les années 90, on pouvait se payer le luxe de contracter les dettes et de les payer à temps. Parce qu’on était sûr de tirer beaucoup d’argent de la pêche.

En 1996, j’ai contracté une dette de 3.800.000 francs Cfa pour acheter deux pirogues. Je les ai remboursés en un temps record J’ai contracté en mars 2008 une dette de 500.000 francs Cfa. Jusqu’à l’heure où je vous parle, je n’ai pas encore fini de payer la dette. C’est la preuve que la pêche ne nourrit plus son homme », confesse le président de la commission surveillance et pêche durable de l’Aire marine protégée (Amp) de Joal, Ibrahima Samb. Près de lui, le président du comité de gestion de l’Amp de Joal Fadiouth jette un regard critique sur les comportements des usagers de la mer. « Depuis longtemps, les pêcheurs ont cru que les ressources halieutiques étaient inépuisables. De nos jours, nous vivons les conséquences. Il n’y a plus de poissons. Les personnes pratiquent l’activité pour survivre. », confesse Abdou Karim Sall.

Les recettes journalières des pêcheurs ont connu une chute libre depuis des années. Les usagers de la mer tirent les marrons du feu. « Un pêcheur qui gagnait 10.000 francs par jour, voit ses recettes tourner aujourd’hui autour de 3000 francs, celui qui avait 20.000 francs Cfa par jour auparavant n’a aujourd’hui que 10.000 francs Cfa », rapporte Abdou Kharim Sall. Malgré tout, les Joaliens vouent un grand amour à la mer, pour la pêche, qui est la bouée de sauvetage dans cette belle ville. L’activité génère un chiffre d’affaire de 12 milliards de francs Cfa par an.

Source: Le Soleil (Sénégal)



22/02/2010
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