Rejoprao-Mauritanie! Pour une pêche durable

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Accord de pêche avec l’UE: L’Etat mauritanien prend-il la mesure des enjeux du renouvellement?

Dans le cadre de l’APP (accord de partenariat de pêche), chaque  Euro investi au profit d’un navire européen subventionné par l’UE, en rapporte 1,4 Euros. Les conclusions de cette étude européenne (récente)  mettent en exergue la dialectique entre les profits tirés par l’UE et le déficit continu de ce secteur dans notre pays.

 

A une encablure du renouvellement de l’accord de partenariat de pêche RIM-UE, l’impression d’expectative des autorités concernées fait craindre une mauvaise préparation des futures renégociations de l’APP. La réalité politique et économique du  pays, à l’instar des pays arabes, aurait dû pourtant les inciter à prendre  les devants, pour faire entendre leur voix, dans leur intérêt bien compris et celui du pays, en vue d’un nouvel accord plus juste et plus équitable entre les deux parties. Et alors que le débat sur le renouvellement du dernier protocole d’accord de partenariat de pêche avec l’Ue, le plus important accord (305 millions d’euros) signé par le vieux continent avec un pays tiers, est déjà lancé au sein de cet ensemble, à la lumière de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne,la Mauritaniene semble pas se préoccuper, outre mesure, des incidences d’une telle dynamique. Une bien fâcheuse attitude qui risque de se solder en un fait accompli lorsque  le Parlement Européen, qui balise dorénavant le contenu du futur accord, aura donné àla CommissionEuropéenne, ses directives en la matière. Des enjeux économiques, sociaux, environnementaux et même politiques sont liés à la renégociation du futur accord dont la conclusion impactera pour beaucoup le devenir du pays.  

 

Une évaluation qui parle d’elle-même

Une étude récente (de novembre 2010 à mars 2011) montre bien les creusets énormes qui s’opèrent à travers les protocoles signés en 2006 et 2008 entre notre pays et l’Union Européenne. Cette étude qui este à plus de vérité sur le terrain est reconnue comme crédible, en raison de la transparence qu’elle soutend pour l’avenir dans la conclusion d’un nouvel accord entre les deux parties.

En effet, cette étude basée sur l’analyse de l’accord et de ses retombées pour en évaluer les résultats pour les deux parties, montre bien comment l’on a souvent fermé l’œil sur les impacts socio       - économiques et environnementaux de tels accords. En dépit donc du constat pourla Mauritaniede la «stagnation de la contribution du secteur de pêche au PIB », autour de 5%, en raison principalement de l’inexistence de valeur ajoutée, le secteur de la pêche reste qualifié de vital pour notre économie nationale. Pour les évaluateurs européens, l’accord de partenariat de pêche avec l’UE continue de représenter «21%% à 14^%  des recettes budgétaires», «12% à 6% des recettes en devises » et « 40% à 17% des recettes d’exportations». Mais force est de constater, par ailleurs, que cela est obtenu au prix d’un effort de pêche toujours accru où l’armement européen, souvent subventionné, rapporte pour chaque euro investi 1,4 euros. La pression sur la ressource soulignée par l’étude corrobore les avis scientifiques déjà donnés par l’IMROP. Néanmoins, l’étude confirme que malgré la baisse de l’effort de pêche sur le poulpe, ce dernier reste surexploité. Or, c’est sur ce terrain notamment que l’armement européen industriel est en concurrence avec la pêcherie artisanale nationale. Mais ce danger sur la biomasse guète aussi les petites pélagiques  comme la sardinelle ou le chinchard. La seule pêcherie où tant la biomasse que l’activité des navires européens ne générerait pas de conflit avec la  pêche artisanale concerne les démersaux comme la crevette ou encore le merlu. Cette dernière n’est cependant pas innocente dans la mesure où ces impacts environnementaux font aussi planer l’épée de Damoclès sur la ressource avec 85% de rejets de captures de poissons (crevettiers).

Cette réalité embarrassante pour les deux parties a sa raison dans la flotte déployée dans tous les précédents accords. En effet, sur la flotte de pêche fonds (espèces démersales), 40% des navires étaient des bateaux européens concentrés principalement sur la pêche aux céphalopodes où en dépit de leurs surexploitations la pression a continué de plus belle. L’UE est notamment coupable de 26% de l’effort de pêche sur ces pêcheries surexploitées.   Même si elle reste seule pour pêcher certaines espèces comme les crevettes, l’UE est également en course pour les stocks de petits pélagiques ainsi que pour le thon. L’analyse des captures montrent que notre pays fournit 850 000 tonnes pêchées par la pêche industrielle dont 95% sont de petits pélagiques. La flotte UE sous accord s’accapare 29% des captures totales; 29% petits pélagiques, 26% des espèces démersales, 14% poulpe (en forte baisse) et 80% crustacés. De plus, les bateaux européens ne sont pas –contrairement à l’idée répandue- des plus vertueux. Ils enfreignent souvent la loi et paieraient annuellement l’équivalent de 1,3 millions d’euros pour des effractions. Certains récidivistes sont même subventionnés par l’argent du contribuable européen en violation des recommandations dela Politique Communedes Pêches (voir encadré Quand le crime paie).

La participation de l’UE exacerbe donc la pression sur nos ressources halieutiques et est source de préoccupation des auteurs de l’évaluation qui prône tout simplement pour la reconduction du futur accord «de ne pas augmenter l’effort, voire de le réduire pour certaines espèces».

 

Une réalité cynique ?

La première certitude de l’obligation de débarquement en Mauritanie des captures européennes est quelque peu ébranlée par la rencontre entre le PM et le chef de l’unité des accords bilatéraux de l’UE. Que se sont-ils dit? Pourtant, tant pour l’opinion publique nationale que les autorités mauritaniennes, il y a lieu de finir avec la procédure des anciens accords. Outre, le souhait de voir les céphalopodes, notamment le poulpe, déjà sérieusement entamé par la surexploitation, revenir aux pêcheurs artisans locaux, les mauritaniens continuent de s’accrocher, en raison de son importance, dans la création de l’emploi et donc de la richesse, à des débarquements et même à la transformation du poisson dans les ports mauritaniens, pour une meilleure plus-value sur le produit. Ils veulent surtout exorciser que les débarquements ne se résument à des activités profitables seulement à la manutention.

Pour certains analystes, une meilleure négociation du futur APP et une gestion plus rigoureuse de son impact pourraient assurer le plein emploi des mauritaniens notamment en ces temps où les mouvements sociaux implosent beaucoup de pays de la sous-région. Mais ces vœux risquent de rester pieux si l’Etat ne travaille pas à lever certaines contraintes –soulevées d’ailleurs par les européens-comme la déficience en infrastructures portuaires, des services de base et l’absence d’industrie de transformation aux normes. Même si l’Etat mauritanien travaille déjà à l’extension du PAN (NDB) et que le volet enlèvement des épaves semble résolu, il faut ajouter aux contraintes de manipulation, les défis de l’approvisionnement énergétiques (électricité et gasoil) qui font tourner toute l’activité. Mais tous ces déficits, il faut le reconnaître, trahissent la mauvaise image de l’APP sur la politique du développement du secteur. Etait-ce fait à dessein? De mauvaises langues prétendent que « oui » en raison des intérêts que l’UE aurait à ajourner les débarquements et la transformation sur place dans le pays.

Jedna DEIDA (REJOPRAO-Mauritanie)

Quand le crime paie

Fishsubsidy.org a publié une liste de 42 condamnations prononcées à l’encontre de propriétaires de navires de pêche ayant par ailleurs bénéficié de subventions de l’UE dans le cadre de la politique commune de la pêche (PCP).

Cette étude, centrée sur deux pays majeurs de l’UE dans le domaine de la pêche, l’Espagne etla France, examine en parallèle des comptes rendus de condamnations et des données relatives aux paiements de subventions de l’UE dans le domaine de la pêche. Les 36 navires en infraction ont bénéficié d'un montant total de 13 510 418 € de subventions de la part de l’UE entre 1994 et 2006.

La pêche illicite participe à la surpêche de stocks de poissons précieux, dont une grande partie se trouve à des niveaux d'épuisement particulièrement dangereux. Si des études antérieures ont montré que de nombreuses subventions de l’UE au secteur de la pêche ont contribué à la surpêche de stocks de poissons, il s’agit ici de la première étude qui établit un lien entre ces subventions et la pêche illicite. Bien qu’il ne soit pas obligatoire de tenir compte des conduites délictueuses lors du choix des navires qui bénéficieront de subventions, les États membres de l’UE sont libres de prendre cette information en considération. Rien n’indique qu’ils le fassent.

« Les États membres de l’UE devraient s’assurer que les bénéficiaires de subventions ne pratiquent pas de pêche illicite. Par le passé, les subventions ont alimenté la surpêche ; à l’avenir, celles-ci doivent être utilisées afin de soutenir une transition vers une pêche plus durable, » a souligné Markus Knigge du Pew Environment Group, commanditaire de la recherche relative aux condamnations et co-fondateur du site fishsubsidy.org, lequel recense les subventions payées par l’UE dans le domaine de la pêche.

Cette recherche n’offre qu’un aperçu du problème de la pêche illicite et de l’importance des subventions de l’UE accordées à des navires qui ont été condamnés pour pêche illicite ou qui ont continué à enfreindre la loi après avoir reçu des subventions. Les données relatives aux condamnations sont très difficiles à obtenir et cette étude est basée essentiellement sur des comptes rendus de la presse, lesquels n’offrent qu’une image très incomplète de la situation.

« Les gouvernements européens devraient publier des listes complètes des condamnations pour pêche illicite afin que nous puissions savoir qui enfreint la loi. Il s’agit du seul moyen permettant de s’assurer que l’argent public n’est pas versé à des pêcheurs qui enfreignent les lois ayant pour objet de protéger nos précieuses pêcheries. », a affirmé Jack Thurston, co-fondateur de fishsubsidy.org.

Cinq des navires figurant sur la liste ont reçu chacun plus d’1 million d’euros de subventions de la part de l’UE. Ils ont été reconnus coupables d'infractions graves, allant de déclarations erronées dans le journal de bord à la capture de poissons en dessous des tailles minimum, en passant par l’utilisation d'engins de pêche illégaux et le dépassement des quotas.

Certains des navires figurant sur la liste ont été condamnés à de multiples reprises et lourdement sanctionnés. L’Hodeiertza et le Gure Reinare, deux navires appartenant à Pesqueras Zozuak / Pascual Santizo, ont été reconnus coupables d’utiliser des engins de pêche illégaux. Chaque navire a été condamné à payer une amende de 35 000 €. L’UE avait financé la construction de ces navires pour un total de près de deux millions d’euros. L’Hodeiertza a, quant à lui, reçu en supplément une subvention de l’UE à la modernisation en 2006.

Cette étude couvre également le Royaume-Uni qui, jusqu’en décembre 2009, était le seul État membre à publier des rapports détaillés des poursuites judiciaires et ce, jusqu’à ce quela Marine FisheriesAgency décide de supprimer cette information de son site web pour des raisons de « protection des données ».

Source: www.fishsubsidy.org

 

 



08/05/2011
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